mardi 15 mars 2016

Un métier de fous : ligneur

En allant visiter l’île de Sein je suis passé tout près de ces intrépides marins pêchant le bar.


Le bar de ligne ou bar sauvage (en Provence le loup) possède un corps fusiforme argenté sur les côtés et gris argenté à bleuâtre sur le dos, des petites écailles (la ligne latérale en comporte de 62 à 74), deux nageoires dorsales distinctes (la première avec 8 à 10 épines, la seconde avec une épine et 12 ou 13 rayons mous), une nageoire anale munie de 3 épines et de 10 ou 12 rayons mous, un opercule pourvu sur son bord d'une tache noire diffuse et de 2 épines plates, une nageoire caudale modérément fourchue. Il peut atteindre 1 m de long pour un poids de 12 kg, mais des spécimens de 50 cm pour 1 kg sont plus courants. Mangeurs de crustacés ils se régalent dans les remous au milieu des rochers à fleur d’eau.


Filet de bar à ma façon
 A la pointe du raz on voit toute une ligne de rocher jusqu’à l’île de Sein avec quelques passes, beaucoup de remous même par temps calme, à gauche le phare de la Plate et à droite le phare de la Vieille  Le raz de Sein est une zone de navigation très dangereuse du fait du courant très violent généré par les marées qui s'intensifient avec les filets d'eau qui doivent converger entre la pointe du Raz et l’île de Sein : 7 nœuds pendant le flot, dirigé vers le Nord- Est, 6 nœuds pendant le jusant, dirigé vers le Sud-Ouest, pendant les marées en vives eaux de coefficient 100. Le courant lève, même par brise modérée, une mer très forte gênante y compris pour des navires d'un certain tonnage. Les guides de navigation recommandent d'attendre la renverse (ou l'étale), moment où le courant s'annule et la mer se calme, pour franchir le raz de Sein.




Les bateaux, pour la plupart basés à Audierne ne sont pas plus grands que nos pointus de Provence avec de la place pour le pêcheur, seul devant d’une main tenir sa cane pour pêcher et de l’autre tenir la barre et l’accélérateur de moteur surpuissant pour tenir le bateau tout proche des rocher au milieu des courants et de vagues venant dans tous les sens



 Par Marc Epstein, publié le 06/01/2014 

Entre les vagues du raz de Sein, les ligneurs bretons traquent leur proie et s'astreignent à respecter des techniques de pêche qui préservent la qualité de la chair du bar sauvage.
Sous le défilé des nuages, le bateau tangue et roule à la surface de la mer, vers l'avant puis l'arrière, comme un bouchon de liège. Au large de la pointe de Bretagne et à quelques dizaines de mètres du phare de la Vieille, surgi des rochers, imposant et austère, le chahut des flots et les tourbillons d'écume donnent le vertige.  
Dans le raz de Sein, l'un des endroits les plus beaux, les plus sauvages et les plus dangereux du littoral, les courants de la  Manche se jettent dans ceux de l'Atlantique. Au milieu des creux, une vingtaine de pêcheurs viennent débusquer un poisson recherché pour sa chair ferme et son goût subtil, mais réputé insaisissable, et de plus en plus rare : le bar. 
On les appelle les "ligneurs". Sur de petits bateaux, longs de 8 ou 10 mètres, un fil de pêche dans une main et la barre dans l'autre, ils se faufilent entre les vagues et traquent leur proie dans les remous, au plus près des rochers. Pas question de lancer un filet : les fonds sont trop peu profonds. Impossible, aussi, de travailler à plusieurs : debout dans son embarcation, ballotté par les flots, chaque ligneur doit être libre de ses mouvements, manoeuvrer en permanence et jouer du moteur surpuissant pour échapper aux déferlantes. Il y a, dans cette navigation, quelque chose du rodéo. 
Une exception à l'heure de la mécanisation. Avec leur image de cow-boys des mers, solitaires et virils, les ligneurs du raz de Sein suscitent l'admiration dans le milieu de la pêche marine. Une pointe de jalousie, aussi. Télégéniques et célébrés par les médias, ces maîtres artisans sont porteurs de rêve, d'autant que les meilleurs d'entre eux disposent de revenus confortables. 
 Le bon ligneur, lui, est un chasseur à l'affût : dans sa traque solitaire du bar, poisson noble par excellence, il ruse avec sa proie et interprète en permanence les éléments qui l'entourent afin de l'approcher au plus près. C'est fascinant. 
A bord de son bateau, Altaïr, soulevé par les flots, Ronan Thomas ne cesse de tourner la tête dans tous les sens, à la manière d'un animal. Il observe la direction du vent, les changements de luminosité, la surface de l'eau, la forme des vagues... Les nuées de goélands argentés et les glissades au fil de l'air des fous de Bassan, aux ailes longues et pointues, apportent, eux aussi, des renseignements précieux :"Les oiseaux sont nos amis, explique-t-il. Ce sont eux qui, souvent, nous indiquent où est le poisson."

 Voilà plus de quinze ans qu'il pêche dans le raz de Sein : "Au fil du temps, on apprend à connaître les lieux. Dans certains passages dangereux, à proximité d'un rocher, je sais qu'il faut compter les vagues, et attendre la quatrième pour avancer." Le pêcheur sélectionne la couleur des leurres, ces appâts factices en caoutchouc qu'il attache à sa ligne, en fonction de la météo et de l'état de la mer : au soleil du matin, les couleurs vives peuvent être d'une efficacité redoutable ; par temps gris, préférer les teintes plus neutres...  
"Tous les ans, nous devons acheter de nouveaux leurres, précise-t-il. A défaut, les poissons reconnaissent le subterfuge et pressentent le danger." 
Le bar a un appétit de carnassier, d'où le nom de "loup" qui lui est donné au sud de la Loire. Avec son corps allongé et sa grande tête, fendue d'une large bouche, c'est un prédateur habitué à la nage rapide dans les eaux agitées, même s'il apprécie, de temps à autre, le calme des étangs littoraux.  
"Dans les remous du raz de Sein, à la marée descendante, les bars se cachent derrière une crête rocheuse et attendent les crevettes, les crabes et les maquereaux, emportés par le courant, raconte Ronan Thomas. Parfois, je vois des petits poissons venir se coller à la coque du bateau, malgré le bruit du moteur, comme s'ils étaient terrifiés et cherchaient une protection." 
 A l'image des bars, qui nagent en banc et chassent en meute, les ligneurs, à bord de leurs embarcations, ont tendance à pêcher en groupe. Question de sécurité, car les bateaux peuvent chavirer, mais aussi de caractère.  
"Les ligneurs sont des solitaires, mais ils échangent beaucoup d'informations entre eux, remarque Gilles Bernard, secrétaire général de leur association. Celui qui réalise une bonne pêche peut être tenté, le lendemain, de retourner au même endroit tout seul.  
Mais il peut aussi partager le tuyau avec deux ou trois collègues, qui le feront profiter, plus tard, de leurs propres trouvailles. Au bout du compte, ce genre de coopération est plus avantageux. En fait, ils me font penser à une meute de loups : ils sont parfois très mordants les uns avec les autres, mais ils ont besoin de chasser ensemble." 
Les ligneurs saignent les bars pour les faire mourir vite, car il en va des poissons comme des boeufs à l'abattoir : un coup de stress, avant la mort, altère le goût de la chair.
Depuis le début des années 1990, les ligneurs professionnels de la pointe de Bretagne marquent leurs poissons avec une étiquette orange : d'un simple clic sur Internet, l'acheteur peut vérifier le nom du pêcheur qui a rapporté le poisson. 
Cette trouvaille a permis de mieux distinguer le bar pêché à la ligne du poisson d'élevage, ou pêché au filet. Mais ce n'est pas qu'une simple trouvaille de marketing. Car rien ne remplace un bar sauvage... L'explication tient, en particulier, aux conditions de mort de l'animal. Variables selon les techniques de pêche, elles jouent un rôle essentiel dans le goût. 
Une pêche au filet par un chalutier, par exemple, dure environ trois ou quatre heures. Un poisson capturé ainsi se débat longuement, parfois dans la vase et les pierres. Les bars, avec leurs épines dorsales aiguisées, se blessent entre eux. Or il en va des poissons comme des boeufs à l'abattoir : un coup de stress, avant la mort, altère la saveur de la chair. Pêché à la ligne, en revanche, l'animal est capturé vivant. A peine est-il remonté que les ligneurs le saignent, afin de le faire mourir rapidement, puis lui vident l'estomac à l'eau, si nécessaire, avant de l'envelopper dans un film de plastique, ou de le couvrir de glace et d'une toile de jute, pour éviter qu'il soit au contact de l'air. 
"Chaque pêcheur a sa propre technique, mais c'est un aspect essentiel de leur activité, souligne Gilles Bernard. Ceux qui travaillent trop vite sont sanctionnés par les mareyeurs, qui achètent moins cher les poissons traités avec peu de soin." 
Filet de bar à ma façon

De la ligne à la canne
Depuis quatre ou cinq ans, les ligneurs de la pointe de Bretagne font le même constat que tous les pêcheurs de bar : les poissons se raréfient et le poids moyen de chaque animal tend à diminuer. Confrontés à une baisse de leur chiffre d'affaires, les ligneurs multiplient les sorties en mer et, surtout, adoptent les techniques des plaisanciers. Les voici devenus fans des cannes à pêche en fibre de carbone et incollables sur les vertus du fil à pêche tressé. Autant d'accessoires longtemps associés aux touristes argentés, mais désormais indispensables pour débusquer le bar... 

3 commentaires:

  1. un bar de ligne à la croûte de sel... il n'y a pas meilleur !
    j'observe souvent ces "ligneurs" lorsque je me balade à la pointe du Van (plus tranquille que celle du Raz)

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    1. Miam! Miam!Miam! J'ai eu la chance de les observer à bord du bateau qui m'amenait passer la journée sur l'île de Sein par temps calme mais pas pour eux. Il y en a un qui est venu nous amener du poisson à livrer sur l'île Impressionnant : courant, vagues, tourbillons en prime rochers et hauts fond de partout déjà pour nous il fallait vraiment connaitre alors pour eux!!!!!!!

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  2. Belle passion que la votre et Chouette article, bravo

    www.ligneursdurazdesein.fr

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